En Italie en train à 2 mois

par | 21 Jan 2015 | Italie

J’avais envie, aujourd’hui, de revenir sur notre tout premier voyage à deux, mère et fils. Un beau matin de septembre 2011, je me lève en ayant un furieux besoin de prendre l’air et de bouger. Après une longue discussion avec Joël, je prends la décision de partir en Italie en train avec Sacha. Quelques jours plus tard, j’embarquais dans le train à la Gare des Guillemins à Liège en direction de Cologne, Munich et enfin Vérone qui marquait le début de nos pérégrinations en famille.

Une gare impressionnante

Gare des Guillemins Calatrava Liège

Avant de vous emmener en Italie, je voulais vous parler de la gare de Liège-Guillemins. Cette gare n’est pas une simple gare, c’est un chef-d’oeuvre. Imaginée par Calatrava, elle est monumentale. Ses jeux de perspectives, ses courbes, son dôme en imposent aux voyageurs qui débarquent dans cette ville de province qu’est Liège. Après la gare d’Anvers, la nouvelle gare des Guillemins, inaugurée en 2009, est la plus belle de Belgique et dénote quelque peu dans le quartier bien que celui-ci se modernise petit à petit. Cette gare est souvent comparée à une cathédrale des temps modernes. Une cathédrale à la gloire du train ! De plus, elle offre un vaste espace d’exposition où se tient chaque année une grande exposition. L’occasion de se cultiver en attendant son train. Je suis fière que nous ayons en Belgique une telle gare. Elle ne laisse personne indifférent en tout cas. Et bien des fois, j’ai entendu des gens râler parce qu’il y faisait froid ou qu’ils ne trouvaient pas de place pour s’asseoir. Il est vrai que, comme c’est souvent le cas pour ce qui est esthétique, cette gare n’est pas vraiment confortable. Sa taille imposante et les espaces ouverts créent des courants d’air désagréables lorsqu’il fait froid. Attendre son train en hiver peut vite être un calvaire. L’espace commercial sous la gare n’offre pas plus de chaleur au voyageur qui attend son train. Cette gare moderne est froide et peu de bancs sont à la disposition des navetteurs. Construite en verre et en béton blanc, elle demande un entretien permanent. Chaque jour, des hommes nettoient son immense voûte vitrée. La gare de Calatrava semble être devenue le symbole architectural de Liège. Et malgré ses défauts, je l’aime cette gare des Guillemins.

Italie_ScannoQuelques chiffres

Escapade en Italie de 9 jours avec 5 jours en train du 27 septembre au 5 octobre 2011, un Interrail Global Pass en poche, avec Sacha, sur le point d’avoir 2 mois et encore allaité, et Laurence, 28 ans et fatiguée par des nuits trop courtes, équipée d’un appareil photo, d’un grand sac à dos rempli de couches, de vêtements, d’une couverture, du nécessaire de change, d’un livre et d’un carnet et d’un ergo baby pour porter bébé, le tout pesant aux environs de 20 kg.

Notre itinéraire

Bien que j’avais déjà séjourné à trois reprises en Italie, je n’avais pas encore véritablement senti ce pays dont Joël ne tarissait pas d’éloges. Passionnée de littérature, j’avais envie d’orienter mon voyage en fonction d’auteurs étudiés à l’école et à l’Université. J’ai ouvert mon guide et je suis tombée sur Shakespeare (Vérone), Ovide (Sulmona) et Pétrarque (Arezzo). Un beau programme en perspective mais, comme à chaque fois, les choses ne se sont pas exactement passées comme prévu.

Vérone, la ville des amants maudits

 

Italie_Verone_Piazza_delle_Erbe

Verona, ville romantique, théâtre d’événements tragiques tout au long de son histoire, ville natale de Catulle, ayant vu passer Dante, Pétrarque, Goethe ou encore Stendhal, patrimoine mondial de l’Unesco. C’est à Vérone que Shakespeare situe sa pièce d’un amour tragique, Roméo et Juliette. Vérone m’invitait à la découvrir. La ville, comme presque toute l’Italie, est un musée à ciel ouvert d’une histoire longue de plus de deux millénaires. On y retrouve tant des monuments de l’Antiquité que du Moyen-Âge ou de la Renaissance. J’y ai passé deux douces journées à me promener dans les ruelles de la ville le nez en l’air, découvrant les arènes romaines, la Piazza delle Erbe ceinte par de sublimes édifices, la Torre dei Lamberti dans laquelle nous sommes montés (en vitesse afin d’éviter le retentissement des cloches à Sacha qui faisait la sieste) pour avoir une vue imprenable sur toute la ville, la Casa di Giulietta et son mur de graffitis et tant d’autres merveilles et à flâner sur les ponts qui enjambent l’Adige. Vérone, son patrimoine, sa préservation, son histoire, son soleil, ses couleurs, m’a enchantée.

 

À Lesbie

Vivons, ma Lesbie, aimons-nous,
Et traitons comme rien tous ses propos jaloux
De la trop sévère vieillesse.
Le soleil meurt & reparaît sans cesse ;
Mais quand meurt notre flamme éphémère, il faut tous
Dormir de même une nuit éternelle.
Donne-moi cent baisers, & puis mille, & puis cent,
Mille encor, que leur nombre aille toujours croissant,
Encor mille, encor cent… Que le compte s’emmêle,
Et par milliers embrouillons-le si bien
Que nous ne se sachions plus nous-mêmes, maîtresse,
Et qu’aucun envieux ne sache de combien
De milliers de baisers est faite notre ivresse !

Catulle, Poésies, traduit par Eugène Rostand

Deux bonnes adresses :

 

La Salumeria G. Albertini (Corso Sant’Anastasia, 41)

L’épicerie traditionnelle de carte postale. Elle est belle, elle donne envie d’y entrer, les produits sont beaux et ont l’air savoureux. Je me suis offert du jambon de parme et j’ai acheté une bouteille de Valpolicella (le vin de la région). Le jambon était fondant et bien salé. Un délice !

Enoteca-Osteria Al Carro Armato (Vicolo Gatto, 2/a)

Pas évidente à trouver, pas de devanture explicite. Au premier abord, je n’avais pas l’impression qu’il était possible d’y manger. Ensuite, une dame m’indique une salle où sont disposés des tables et des bancs en bois. Quelques plats à la carte. Une fenêtre ouverte laissant passer un air tiède bien agréable et les sons de la rue. J’y ai très bien mangé et le tiramisu était savoureux.

Sulmona où naquit Ovide

Pour la suite de notre escapade en Italie, je voulais aller dans les Abruzzes et j’ai choisi Sulmona comme point de chute. Après 8 heures passées dans un train surchauffé, nous arrivons épuisés à Sulmona. Je trouve un petit appartement dans les ruelles du centre de la ville. L’artère principale, le Corso Ovidio, permet de se promener tranquillement et d’observer les monuments gothiques et renaissances. Sulmona est également réputée pour sa production de confetti (sorte de dragées) dont il est possible de découvrir la fabrication dans le Museo dell’Arte Confetteria de l’usine Pelino. Nulle trace d’Ovide, ce poète latin né ici en -43 av. J.C., auteur des Métamorphoses et de L’Art d’aimer et dont j’ai si souvent traduit les textes pendant mes études, mis à part l’artère centrale qui porte son nom. Une journée suffit pour découvrir la ville. Par contre, elle permet de rayonner vers de magnifiques petits villages et des parcs naturels du Sud des Abruzzes. Nous en avons donc profité pour découvrir un petit village au bout d’une ligne de bus : Scanno. Une heure de trajet sur une route magnifique qui vaut à elle seule le voyage. Scanno est un bourg médiéval isolé : des ruelles tortueuses, de vieilles maisons en pierre, deux-trois enfants qui jouent dans les rues, du linge qui sèche aux fenêtres. Pas un seul bruit de moteur. Le village semble dormir, replié sur lui-même. Nous sommes les seuls à déambuler dans la ville. Dans le bus d’ailleurs, ne sont montés que des écoliers ou des femmes portant des sacs de provision. J’essaye de trouver une épicerie pour pique-niquer. Pas d’enseignes, pas de vitrines. Je distingue par la fenêtre d’une petite maison des étagères couvertes de produits. Il n’y a pas de lumière à l’intérieur. Je tente ma chance. La porte est ouverte et un vieux monsieur arrive. Une épicerie traditionnelle, d’un autre temps. Ce petit village semble totalement coupé de l’agitation des villes, de la course effrénée à la modernisation. Le temps s’écoule paisiblement et, en ce mois d’octobre, aucune agitation touristique ne le bouleverse.

Bonne adresse à Sulmona

La Cantina di Biffi (Via Barbato, 1)

En Italie, il n’est pas évident de trouver un restaurant qui ouvre avant 19h, voire 19h30. Et avec un bébé, en tout cas le mien, ce n’est pas très pratique. Comme nous passions nos journées à l’extérieur et qu’il ne faisait que la sieste sur moi, il était important pour moi de pouvoir rentrer tôt. Le patron de ce très bon restaurant-bar à vin a eu la gentillesse de nous accueillir avant l’heure d’ouverture et de me proposer un coin tranquille pour allaiter Sacha. La cuisine est faite maison, les légumes proviennent du jardin et l’ambiance est familiale. Je ne saurais que vous le recommander.

Arezzo et la foire des antiquaires

Quand je voyage, j’ai tendance à ne pas réserver à l’avance les logements ni à me renseigner sur les événements qui se déroulent dans la ville où je compte me rendre. En général, il n’y pas de problèmes et je trouve toujours une solution. Cette fois-là, à Arezzo où m’avait mené Pétrarque, ce ne fut pas le cas. D’ailleurs, cette journée-là fut une succession de déconvenues. Arrivée en avance à l’arrêt de bus en direction de la gare, j’attends patiemment. Après 15 minutes de retard et aucun autre passager, je m’interroge. Je vais voir une dame pour lui demander pourquoi il n’y a pas de bus. Elle me répond qu’il est dévié en raison de festivités et me conduit à l’arrêt suivant. Le bus était déjà passé ! Je rate donc mon train et suis dans l’obligation d’attendre 2 heures à la gare. Le trajet, bien que sublime au milieu des montagnes, est long et nous arrivons tard à Arezzo. Je commence par chercher un endroit où dormir. À chaque demande, c’est la même réponse. « Désolé, nous n’avons plus de chambres disponibles ». Après 4 hôtels, je demande au réceptionniste de se renseigner auprès d’autres hôtels pour moi. Rien, aucune chambre libre ! « C’est la foire des antiquaires », m’explique-t-il navré. Je suis fatiguée, Sacha aussi. Nous retournons à la gare. Direction Florence. Et là, c’est la même galère. Tous les hôtels que j’appelle sont pleins. Nous arrivons à 22h à la gare de Florence. Je dois prendre une décision. Dormir sur les bancs de la gare et attendre le lendemain pour commencer des recherches d’hébergement à Florence ou à Lucques. Ou attendre deux heures et prendre le dernier train pour Pise. Je préfère voyager et être dans les trains plutôt que de passer ma nuit sur un banc avec un bébé. La suite du voyage ne sera qu’une succession de trains avec des problèmes techniques, de gros retards et des devoirs de français : Florence – Pise – Genova – Ventimiglia – Nice – Marseille – Paris – Bruxelles – Liège.

Italie_Verone_SachaVoyager avec un bébé

Partir avec un bébé seule en train sans réservation peut s’assimiler à de la folie. Oui, parfois, je me suis demandée pourquoi je m’étais mise dans cette galère. Non pas que ce soit difficile de voyager avec un bébé aussi jeune. Il est léger, je l’allaite, quelques couches qui s’achètent dans n’importe quel magasin si on n’en a plus, il dort facilement contre moi, il ne faut pas l’occuper en permanence. D’un point de vue technique et pratique, c’est donc très facile (mis à part le fait d’aller aux toilettes avec lui sur le ventre ou les langes usagés qu’il faut conserver jusqu’à trouver une poubelle). Mais plutôt en raison de ce que je lui faisais vivre : voyager de longues heures dans un train surchauffé, passer deux nuits dans les gares et les trains, être porté longtemps pendant que je découvre un endroit, ne pas pouvoir faire de siestes dans un lit (de toute façon, il n’arrivait pas à dormir dans un lit en journée)… Inconsciente ? Non ! Je faisais attention à lui et à ses besoins et j’étais présente. J’ai adapté ma façon de visiter : je me suis arrêtée plus souvent pour le sortir de l’ergo baby, pour le changer, le nourrir ou jouer sur un banc, pour lui montrer des oiseaux, des peintures, des détails. Je le referais sans problème et même plus longtemps. Voyager avec un bébé présente aussi quelques avantages : les gens sont plus ouverts, plus serviables, plus compréhensifs.

 

Les bienfaits de ce voyage

Voyager ainsi avec son bébé est une expérience unique. Je sais bien qu’il ne gardera aucun souvenir de ce voyage, à l’exception de ce que je lui raconte. Je sais bien que c’est plus pour moi que je l’ai fait que pour lui. Je pense cependant que ce premier voyage à deux a renforcé nos liens et nous a apaisés. Avant de partir, l’ambiance à la maison était tendue et le stress nous habitait tous, Sacha l’exprimant à sa façon. Partir avec lui m’a permis de découvrir réellement qui il était, déparasitée du contexte familial, et d’être plus à l’écoute. Moins de pleurs, plus de connexion, plus de présence, moins de nervosité. Nous en sommes revenus, certes épuisés, mais plus sereins et plus proches. Ce sont des moments comme ceux-là que je souhaite vivre et partager avec lui : intenses et vrais.
Le baigner dans le voyage fut l’occasion de lui transmettre quelque chose de fondamental pour moi : le goût du mouvement, de l’inconfort et de l’impermanence. Car c’est dans le mouvement et l’impermanence que je me sens le mieux. L’impermanence des lieux, des objets, des rencontres. Tout en gardant une permanence sentimentale. Il me semblait important de commencer tôt pour l’imprégner du mouvement, pour l’habituer à dormir n’importe où et à se sentir partout chez lui.

Scanno Italie Fiat

Dans les rues de Scanno

 

Depuis ce voyage en Italie, et les suivants n’ont fait que la renforcer, l’envie de prendre le temps pour faire le tour de ce pays, de découvrir chacune de ses régions, de goûter sa gastronomie, de me baigner dans l’Adriatique, de skier dans les Abruzzes, de suivre la route des écrivains me taraude. Définitivement, j’aime l’Italie.

 

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