Vers Varsovie. Une errance ferroviaire

Sortir par un matin d’automne de sa roulotte. Se rendre à la gare la plus proche et monter dans le premier train qui passe. Aller vers un de ces lieux qui habite l’imaginaire des voyageurs : Varsovie…

Errer de gare en gare, de train en train, de lieu en lieu. Être emporté par l’ivresse des rails et laisser son esprit vagabonder autour de l’errance choisie, de la liberté et du romantisme. Atteindre le bout de la ligne et repartir aussitôt.

L’aventure au pas de sa porte. Récit d’une errance ferroviaire vers Varsovie.

 

 

Joël Schuermans se qualifie comme un explorateur des possibles, un passant existentiel. Fasciné par les vies multiples, il n’a de cesse de chercher à se réinventer en touchant à tout. Plusieurs métiers et plusieurs livres plus tard, il continue d’écrire, photographier, voyager et deviser sans cesse sur de nouvelles vies.

Extraits

L’heure avance, la nuit s’incruste. Ce Mc Donald, lieu artificiel et symbole du tout à l’argent, se transforme à Magdeburg, en un refuge pour tous les errants que le mal-être engendré par l’existence ordinaire empêche de dormir ; étrange pied de nez. Hypnotisé par les lumières criardes et la décoration qui n’existe que dans ces fastfoods, je réfléchis au pourquoi de ma présence, à ce qui me pousse à venir me perdre ici dans le fin fond de l’Allemagne, que je n’affectionne pas particulièrement, pour rejoindre Varsovie et en repartir aussitôt arrivé. Je ne trouve pas de réponses si ce n’est peut-être que ma vie est là, dans ces moments de doute, dans ces déracinements, dans ces pertes de repères, dans cette neutralisation de mes ennemis de toujours : l’inaction et la routine, qui si elles ne nous tuent pas, nous rongent et nous amènent à la vieillesse, sournoisement.

Peu après avoir quitté Berlin, les forêts bousculent le béton et d’immenses étendues boisées de chênes verts, de pins sylvestres et de bouleaux bordent les deux voies électrifiées qui s’étirent vers l’Est. Le paysage et ma perception se transforment peu à peu et me jouent un air de violon triste à l’oreille, une symphonie russe. Installé dans un wagon à compartiments dont chacun possède deux fois trois places en vis-à-vis, à l’ancienne, je prends conscience que je concrétise un rêve d’errance : VARSOVIE, WARSZAWA.

La chanson de Saez dit : « Varsovie au matin, c’est un peu triste à voir c’est vrai ». Lors de mes innombrables pensées buissonnières et diverses errances cérébrales, chaque fois que j’imaginais rejoindre Varsovie, c’était toujours une arrivée en train, lors d’une matinée pluvieuse et grise, puis découvrir en approchant, lentement, un vaste étalement de maisons en béton gris imbriquées les unes dans les autres, comme pour se tenir chaud, avec des volutes de fumées qui s’échappent pour des cieux aussi gris que leurs façades.

Une vision romantiquement triste.

La réalité est que je suis arrivé par temps sec et doux et au crépuscule. De plus, Warszawa Centralna, la gare Centrale, est souterraine et l’on n’aperçoit pas la ville en la rejoignant en train.

Tout mon imaginaire était donc illusoire. Tant pis si le réel ne colle pas à mes rêveries de voyageur d’une autre époque, car Varsovie, le soir, c’est beau à voir. Il faudra qu’il complète sa chanson Saez.

Il pleut à présent. Un petit crachin glacial, pas vraiment franc, mais efficace. Il tombe pour saluer notre dernière nuitée, je suppose.

La nostalgie des fins de quelque chose décide que c’est le moment de frapper en venant me tourmenter. La hantise du retour. Toujours la fin d’un monde, la fin d’un cycle.

J’aime la liberté qu’offre l’errance et déjà de nouveaux noms se bousculent dans mon esprit, pourtant ralenti par le froid. Bratislava, Kaliningrad, Trondheim, Sarajevo, Istanbul, Mourmansk, Saint-Pétersbourg, Belfast et davantage, que je rêve de rejoindre emporté par des trains.

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