1/ Roberto, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Car je parle bien assez de moi dans ce livre, j’ai demandé à mes proches de me raconter :
« Avide d’aventure et de nouveautés, toujours à l’écoute et de très bon conseils. » – Nicolas, un ami raisonnable
« Obsessionnel de la découverte, en quête permanente de sens et très sensible à son environnement. » – Louis, un ami encore plus raisonnable
« Roberto est la plus pertinente des plantes à abreuver car, quand il grandit, il a la curieuse tendance à faire grandir les autres avec lui. » – mon frère, raisonnable pour la première fois
« Inattendu, imprévisible, cœur sur pattes… Mais il est où en ce moment au juste ? » – ma mère, aussi aimante qu’inquiète
« D’abord un magicien un peu bancale puis inventeur de choses pas forcément utiles, Roberto a toujours été un conteur d’histoires. » – une grande sœur vigilante
« Qu’il arrête tout de suite ses voyages. » – mon compte en banque
2/ Que représente le voyage dans votre vie ? Avez-vous toujours envisagé de voyager ?
Le voyage représente pour moi la forme absolue d’altérité. On voyage pour se décentrer, pour sortir de son existence et rencontrer celles des autres. Le voyage est donc une manière d’exister dans le monde en mouvement. C’est un remède contre le dogmatisme et la suffisance. C’est pourquoi voyager m’a toujours paru une nécessité. Cela a d’abord commencé par des évasions par l’imaginaire. Enfant, je dévorais tout ce qui pouvait m’enseigner quelque chose que je ne connaissais pas, tout ce qui pouvait m’offrir une fenêtre sur les autres. Plus grand, j’ai pu m’évader pour de vrai. Journaliste de formation, le voyage m’apparait autant comme un outil pour décortiquer la condition humaine, que comme un élan nécessaire pour ressentir différemment son corps et son esprit.
J’aime envisager mes voyages comme des enquêtes avec le corps et le cœur où je baigne dans d’autres réalités afin de les comprendre sensoriellement et intellectuellement.
3/ Comment le voyage peut-il changer une personne ? Dans votre cas, qu’a-t-il changé en vous et dans votre manière de percevoir le monde ?
J’estime que le voyage ne vous change que dans le cas où vous lui offrez une soumission sincère. En voyage, tout peut et doit vous arriver. Avoir la possibilité d’être changé, c’est d’abord prendre un risque. Dans mon cas, l’aventure m’a transcendé. Non pas parce qu’elle m’aurait rendu plus ouvert aux autres ou plus cultivé, mais parce qu’elle m’a permis de toucher à des existences qui m’ont bouleversé. Le choc des modes de vie et des cultures ne pouvaient que mener à la métamorphose. Il est très dur de savoir ce qui a radicalement changé après ces voyages. Au-delà de toutes lapalissades, je pense qu’il s’est produit deux choses.
Premièrement, j’ai appris mon humble et juste place. Je ne suis qu’une fourmi dans le monde, et mon importance n’a de sens que dans le partage et le respect des autres. Toutes considérations au-délà sont superflues.
Ensuite, ce voyage a été ma rencontre avec l’absurde de Camus. Quand vous plongez dans mille réalités, vous n’avez d’autre choix que d’ouvrir les yeux sur la vôtre. Cela a été mon plus beau cadeau. J’ai réalisé qu’il n’existe que des multiplicités de matrices, qu’il était impossible de définir ce qu’est « La vraie vie ». Par conséquence, ma quête de sens initiale n’était qu’un rouage valorisé dans ma matrice, mais un concept complètement obsolète dans une autre matrice. Cela m’a enseigné à prendre la vie avec plus de recul et à ne jamais prendre nos obsessions occidentales trop au sérieux. Elles ne sont que le fruit d’un contexte et d’un environnement très précis.
J’ai été aussi bouleversé par la vérité de la condition humaine à travers le monde. La majorité des peuples vivent en lutte constante, négocient chaque jour des espaces de liberté et aucun mode de vie n’offre l’absolution. Ce n’est pas un concept désespérant, bien au contraire. C’est un point de départ. On doit tous lutter collectivement pour aspirer à mieux.