
J’ai créé la maison d’édition en 2017 avec la volonté de publier notre livre-manifeste Chronique d’un départ mais aussi d’autres récits, guides ou beaux-livres représentatifs de mes valeurs et de ce que j’avais envie de dire. J’avais envie d’aller au-delà du blog et du récit de mes voyages en publiant ceux des autres, en mettant en avant ces femmes et hommes qui ont des choses à partager. J’ai lancé la petite collection « Errances » en 2019 pour rassembler des récits qui ont en commun cette notion d’errance créatrice d’un voyage, de rencontres, de réflexions sur le monde. Puis d’autres livres sont sortis… Un guide pour voyager avec son bébé, des portraits de femmes du Japon, le récit biographique d’un homme engagé au service de la faune sauvage, un album jeunesse sensible et pudique sur le deuil périnatal, de la poésie voyageuse ou encore un manuel pour vivre des moments en nature en toute conscience et de manière responsable… Chaque projet, chacun des 24 livres du catalogue m’a demandé un investissement total tant mental qu’intellectuel, temporel et financier… Il m’a fallu lire, relire, relire encore, apprendre, prendre des décisions, trouver des solutions techniques et financières. Il m’a fallu travailler doublement pour pérenniser le projet. Il m’a fallu faire des sacrifices jusqu’à oublier l’essence même de ce qui m’anime : la liberté et le mouvement.
Une passion qui ne suffit plus
Alors oui, j’ai aimé passionnément me lancer dans cette aventure de l’édition. J’ai aimé lire, découvrir, construire pas à pas cette maison d’édition, lui donner une ligne directrice, créer un catalogue, porter les livres comme j’ai pu, rencontrer tant de personnes intéressantes, échanger avec des auteurs, des lecteurs, des libraires, des éditeurs, des illustrateurs, partager sur les salons ou lors de dédicaces… Chaque livre dans la maison d’édition y est pour une bonne raison et chacun a son histoire. Je suis fière du catalogue de Partis Pour. J’ai aimé passionnément parce que la passion est essentielle dans ce métier où la reconnaissance est quasi inexistante, où toutes nos ressources financières sont absorbées en permanence, où les places sont limitées et rares… On travaille dans l’ombre, on s’inquiète, on cumule les casquettes, on tente, on se bat, on s’investit toujours complètement, on connaît des victoires, on encaisse les coups durs, on essaye de trouver le meilleur compromis, la meilleure solution, on prend des risques, on s’oublie, on tente de satisfaire avec les pauvres moyens dont on dispose, on essaye de changer son rapport au temps pour correspondre à une temporalité totalement contraire à soi… et la plupart du temps on fait cela seule… Jusqu’au moment où on s’épuise… Jusqu’au moment où les caisses sont vides malgré un renflouement permanent et qu’on est exsangue… Jusqu’au moment où on perd la foi… La passion alors ne suffit plus…
L’édition, un métier aux multiples facettes
L’édition est un métier compliqué. Un métier créatif, littéraire mais aussi de gestionnaire, de financier, de communication, de relation… L’édition est un métier qui vous prend complètement, qui vous absorbe. L’édition est un jeu de poker mais aussi d’échecs.
Juste une pause…
Mais que suis-je en train d’annoncer ? La fin de la maison d’édition ? Pas vraiment… Pas encore… Les éditions Partis Pour prennent une pause. Les livres du catalogue poursuivent leur vie. Ils seront encore présents dans les salons et foires du livre grâce aux Éditeurs Singuliers, à l’Adeb et aux auteurs. Je ferai encore quelques salons de mon côté (d’ailleurs, je vous donne rendez-vous au Marché de Noël de Deulin du 12 au 14 décembre). Mais, je n’accepte plus aucun manuscrit pour l’instant et je n’ai planifié aucune publication en 2026. Ce qui a nourri la maison d’édition, ce qui fait sa particularité, c’est son esprit, c’est l’âme que je tente d’y mettre. Ce qui m’anime, c’est le mouvement, la liberté, l’émerveillement, la nature, le temps long, la lenteur… Et j’ai perdu tout cela en cours de route. Comment encore donner une âme quand on ne se reconnaît plus ? Comment encore nourrir un projet quand on n’est plus nourrie soi-même ? Comment donner en étant vide ? Comment s’enthousiasmer quand plus rien ne nous enthousiasme ? Comment être quand on n’est plus rien ? Forte de ce constat, il est temps de me retrouver, de retrouver l’équilibre, de me nourrir, de vivre, de respirer, de sortir du carcan étriqué dans lequel je me suis enfermée. Il est de temps de m’enthousiasmer à nouveau, de m’émerveiller à nouveau, de rire, de marcher, de voir, de sentir, de toucher, de créer… Ce projet que j’ai porté pendant plusieurs années, je n’ai pas envie de le voir disparaître. Il fait partie de moi, de mon parcours, de qui je suis aussi : une personne passionnée par les livres et le voyage. La passion, l’envie pourra ressurgir à un moment donné. Sous une autre forme peut-être. Plus en adéquation avec mes valeurs, mes aspirations, ma façon d’aborder les choses et ma vision du monde. La maison d’édition ne devait être qu’une facette de ma vie car je ne suis qu’une dilettante au fond. Mais, avec le temps, cette activité a complètement grignoté ma vie. Toutes mes pensées, toutes mes activités professionnelles, toute mon énergie, tous mes moyens n’ont été orientés que vers cette activité unique car, au fond, je suis aussi un peu obsessionnelle. Je voulais réussir à tout prix. Mais que signifie « réussir à tout prix » ? Quand estime-t-on qu’on a réussi ? Quand il ne reste plus rien de nous ? Non…
De difficultés en difficultés
De plus, l’année 2024 a été extrêmement difficile financièrement. J’ai été un funambule balayé par les vents continuant de croire qu’il pouvait tenir la distance, me disant que si je m’y investissais encore davantage je sortirais de cette difficulté et j’arriverais de l’autre côté du fil. Je l’ai fait.
Même si financièrement 2025 a été un peu plus sereine, le reste de la vie (familiale, personnelle et le contexte social/politique/économique) a posé ses obstacles sur la plateforme sur laquelle j’étais enfin arrivée. Et c’est avec un épuisement total que je termine cette année. Il est donc impératif de prendre mes distances avec l’édition. Il est donc impératif de retrouver cette fille pleine d’entrain, curieuse et optimiste. Il est donc impératif de faire une pause dans ce projet. Il ne s’agit pas d’abandonner les auteurs qui m’ont fait confiance. Il ne s’agit pas de ne plus rien faire. Il s’agit de prendre soin de soi. Et ce n’est pas une tare que de vouloir prendre soin de soi et de sa famille. De vouloir se remettre au centre de son existence. De prendre sa place et de s’exprimer en son nom. Ce n’est pas un échec d’avoir besoin de faire une pause. Ce n’est pas un échec d’être épuisée. Ce n’est pas un échec ! Je le répète car, cette année, je me suis dit que je ne pouvais pas faire de pause. Que ne plus en pouvoir était un échec. Que je n’étais pas assez forte pour tout mener de front. Que j’avais l’obligation de continuer, de respecter mes engagements à n’importe quel prix. Je n’aime pas la faiblesse. Et peut-être qu’il est temps d’accepter aussi mes failles, mes faiblesses. Il est temps d’accepter que ce métier, tel que je le faisais, est contre-nature et qu’il me faut le réinventer. Il est temps d’aller là où mon intuition me mène.
Cet article a été écrit sans filtre. Il est peut-être trop personnel dans le cadre de la maison d’édition. Il est peut-être juste dans le cadre du blog. En tout cas, je pense qu’il respecte ce que j’ai toujours voulu que soit la maison d’édition. Pas quelque chose de distant, de professionnel, de trop sérieux. Mais une maison vivante, proche, humaine, authentique, sincère. Aujourd’hui, je pense qu’il est plus que nécessaire de dire vrai. Il est plus que nécessaire de faire le point sur ce qui compte vraiment. De s’engager. De refuser de continuer un jeu dans lequel on ne croit plus.
Merci !
Enfin, je termine en remerciant les auteurs pour leur confiance et les belles rencontres faites grâce à leurs livres ; les associations d’éditeurs qui font un travail remarquable pour soutenir l’édition en Belgique ; les lecteurs qui ont acheté et lu nos livres, qui ont laissé des commentaires, qui ont partagé autour d’eux ; les libraires belges et français qui nous ont soutenu et nous soutiennent encore (leur soutien a beaucoup de valeur à mes yeux) ; les éditeurs et autres professionnels du livre qui m’ont encouragée à persévérer et m’ont remonté le moral quand je flanchais parfois ; et surtout ma famille qui a toujours été présente, qui a fait preuve d’une grande patience, d’une grande compréhension et d’un énorme soutien. Cela fait un peu discours de remise de César. C’est vrai. Mais, toutes ces personnes connues ou inconnues ont eu un rôle important dans ce projet. Alors, pour une fois, pourquoi ne pas les remercier !
Et puis, si vous voulez découvrir nos livres et partir en voyage avec eux, n’hésitez pas à les commander auprès de votre libraire ou sur notre site Internet. Nous avons plus que jamais besoin de votre présence.
Merci d’avoir créer ce projet, ce rêve et de m’avoir permis de faire un bout de chemin ensemble. Il y a de quoi être fière du catalogue et je serai présente pour soutenir ton prochain projet.
Prends soin de toi !
Merci Tiphanya. C’était avec plaisir et ta présence a été d’une aide précieuse… Je ne connais pas encore le prochain projet mais il sera toujours en lien avec le voyage.
Je te souhaite une pause revigorante et pleine de douceur.
Merci beaucoup Laurent… Cela fait plaisir de te voir par ici et merci pour ton soutien.
Chère Laurence,
Merci de tout coeur de nous avoir fait vivre cette émouvante aventure éditoriale et pour cette belle réalisation!
Bon vent à toi et à ta famille,
Amitiés,
Nicolas et Hector
Merci à vous… Votre livre est une merveille. Amitiés, Laurence
Laurence, merci pour ce que tu es, merci pour toute l’humanité que tu mets dans tes projets et dans ton quotidien. Merci pour ta force et ta sensibilité. Tu as créé autour de toi un bel écosystème, au delà d’un catalogue d’ouvrages, tu as tissé une toile puissante qui sera là pour te soutenir si, et quand, tu en auras besoin dans le futur, sache le !
Des bises à toi et à ta famille, et à très vite !
Merci beaucoup Marine pour ton message qui me touche. Ce projet a été l’occasion de très belles rencontres et de liens tissés.
À très vite…